30.De l’amour
Je vis l’amour dans une certaine abstraction idéaliste : j’aime l’être aimé à distance, lointain ; beaucoup moins celui qui est proche ; j’aime l’être aimé épisodique ; beaucoup moins celui à présence constante. L’être aimé idéalisé, l’absence gomme tous ses défauts et le rend désirable. Je préfère la photographie qui fige dans un moment de grâce que le visage réel dont les défauts apparaissent dans le mouvement des formes. La présence est une loupe à effets grossissants qui rend les imperfections si présentes, si évidentes qu’elles occultent les qualités et les charmes. D’où mes souffrances amoureuses : manque et passion, proximité et déception. Je ne sais jamais comment me situer dans un entre deux qui me permettrait de trouver un équilibre amoureux, partir… ou rester. Peut-être est-ce que j’aime davantage l’idée de l’amour que ses possibles concrétisations. Je suis toujours plus amoureux des femmes qui me sont inaccessibles que de celles que je peux posséder. Toute possession entraîne un rejet. J’aime l’idée d’aimer plus que celle d’aimer. L’idée d’aimer plus encore que celle d’être aimé car je redoute la perte d’autonomie qu’entraînent les passions qu’on me porte. Pourtant j’ai aimé, follement, éperdument mais ce ne furent que des moments, des parenthèses dans lesquelles ma conscience de moi s’est épisodiquement dissoute. La réalité, le retour au réel, la vérité des êtres et des rapports aux êtres m’ont, très souvent très vite, ramené vers des états plus calmes.
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