Dans notre quotidienneté, dans tout ce qui construit notre paysage psychologique, parmi les images familières de rues, places, immeubles, églises, nous croisons souvent des humains que nous ne connaissons pas vraiment, auquel nous n’avons jamais, souri, adressé un mot, un salut mais qui sont là et, sans le vouloir appartiennent à ce paysage, en sont un élément constitutif. Nous ne savons rien d’eux si ce n’est que, aléatoirement nous les trouvons un jour ou l’autre sur notre passage et, qu’ainsi ils font un peu partie de notre mémoire. Ils nous voient certainement comme nous les voyons, sans plus et, sans nous en rendre compte nous sommes certainement aussi un élément de leur environnement psychologique, ils sont comme nous sommes, sans plus. Nous sommes habitués à eux. Parfois, quand nous avons des habitudes communes comme aller régulièrement au marché, au supermarché, dans tel ou tel café, dans tel ou tel parc, nous savons même que nous allons les rencontrer et qu’ils ne nous d...
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1.Tenir un journal Ce matin, dès mon réveil, j’ai été frappé d’une évidence : il était temps de tenir mon journal. Alors qu’une telle idée ne m’avait jamais effleuré, il était clair que c’était ce que je devais faire. Je ne le devais à personne — et surtout pas à la postérité —, je ne le devais qu’à moi-même, mais c’était le moins que je devais faire. Je ne sais pas encore la forme que cela va prendre, je ne sais pas encore de quoi je vais parler (actualité, sentiments, philosophie, poésie…) mais je sais que ce journal va exister d'une façon ou d'une autre même s'il n'est qu'une page perdue dans l'immensité des pages Internet que personne ne lit et ne lira jamais. N'est-ce pas, après tout, le sort de la plupart des journaux intimes ?
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2.Le monde et moi J’ai toujours essayé de me tenir à l’écart du monde. Pourtant, comme le savent probablement mes lecteurs — du moins s’ils ont aussi parcouru, même distraitement le récit de Marc Hodges intitulé Général Proust — j’ai échoué. D’ailleurs est-il possible, à moins de choisir de vivre en ermite, de faire autrement ? Disons que je me suis tenu le plus possible à l’écart du monde passant l’essentiel de ma vie à m’efforcer à conforter mon espace personnel. Le bien vivre, voilà ce qui m’a toujours motivé. Est-ce ma profession de médecin qui m’a très tôt convaincu que la vie était trop aléatoire, chaotique, incertaine, fragile pour être risquée dans des entreprises qui, quel qu’en soit le résultat, nous dépassent ? Comment savoir, les trajectoires des êtres sont sans cesse déviées par de multiples petits incidents apparemment sans importance et qui, pourtant, à leur façon, contribuent tous à les conduire vers une fin inévitable. Alors que j’écris ceci, deux au...
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3.Souvenir, mémoire, archives, contrôle J’ouvre le journal du jour : deux articles inquiétants. Le premier m’apprend que deux millions sept cent mille caméras surveillent les britanniques en permanence et qu’un projet, baptisé Spectrum — l’ambiguïté de ce terme en français est révélatrice — surveille tous les déplacements de toutes les voitures analysés à partir de leurs plaques d’immatriculation. N’est-ce pas merveilleux ! Le second est un projet du Ministère français de l’emploi (nous sommes bien dans la même époque et les mêmes fantasmes) permettant d’utiliser tous les fichiers disponibles — et surtout de les croiser }— pour contrôler les chômeurs tricheurs dont on sait, par ailleurs qu’ils sont une infime minorité. Nous avons tous, aujourd’hui, un clone virtuel qui se construit de l’enregistrement de la multitude des traces que, en ce monde totalitaire du numérique, nous laissons sans cesse autour de nous. Je parlais hier — ou avant hier, la mémoir...
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4.Des journaux Je lis souvent des journaux… Il y a deux ou trois jours, Libé a publié un de ses cahiers spéciaux imposés aux lecteurs sommés de payer l’augmentation déguisée ou de se priver de leur quotidien (passons… les mœurs des entreprises m’échappent de plus en plus…), le supplément des « écrivains commentant l’actualité ». Ces gens, quels qu’ils soient, quels que soient leurs titres de gloire (la plupart d’entre eux me sont totalement inconnus et je me demande bien par quels réseaux souterrains d’amitiés ils sont choisis…) ont toujours quelque chose à dire, c’est leur métier, quelque chose sur tout alors qu’aucun de nous ne maîtrise l’interprétation de sa propre existence. Mon passé de médecin, mon expérience de la vie sociale, le fait que pour des raisons diverses j’ai été amené à me frotter à la politique, y compris dans des circonstances difficiles, devraient m’accorder une parole en ces domaines — il est vrai cependant que personne ne m’a jamais rien demandé...
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5.Le passé Dans … je lis ce commentaire du 28 décembre 2005 à propos du texte de Marc Hodges intitulé « mémoires indécises » de quelqu’un qui signe Jean D’Artois (un beau nom, peut-être un pseudonyme ?) : « Le passé revient par morceaux, nous sommes tous de lopins» (Montaigne). Le passé se donne en ruines, en décombres inconstructibles ; une mise en place logique pour donner ordre à ce nombre incalculable d’éléments qui se présentent au moment de la remémoration est une erreur. Et vous avez tout à fait raison, les livres bien agencés, où le souvenir impeccable d’une pensée conçue dans un autrefois lointain, sonnent faux. Certains ont encore une conception mécaniste de la mémoire (conçue comme organe de rétention du savoir, puis de restitution de celui-ci). Or il faut renverser ce que Kant appelle la «mémorisation ingénieuse», c’est à dire la «méthode pour imprimer dans la mémoire certaines représentations». Or rien ne s’imprime tel quel, nous déformons ap...
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6.Activité Je m’étais promis d’écrire, tous les jours, une nouvelle page. Il paraît que c’est ce que doit faire tout écrivain. Je n’y arrive pas : le travail, la foule douloureuse — ou moins douloureuse, ou se croyant souffrante, ou qui veut que quelqu’un s’occupe d’elle… — qui, de l’aube au crépuscule, emplit mon cabinet, les petits enfants, ma femme, le peu de temps que je dois consacrer au sport, les tracasseries administratives diverses… Bien que je le souhaite réellement, que je le désire, je n’y arrive pas. Comme beaucoup d’autres je me dis que dans quelques années, lorsque je serai à la retraite (dois-je dire « enfin » ou « malheureusement » ?), je pourrai me consacrer sérieusement à l’écriture… Mais je sais que la vie ne fait pas de cadeaux et qu’aucun moment n’est égal à un autre : ce que je ne fais pas aujourd’hui, ce que je ne vis pas, ne sera ni fait ni vécu demain. Je le sais mais ne m’y résigne pas. J’éprouve ainsi comme une déc...