24.Les autres
Que savons-nous des autres quand nous savons quelque chose d’eux ? Pas grand chose… Nous ne savons que ce que nous croyons savoir ou ce qu’ils ont bien voulu nous laisser savoir. Rêvant sur mon passé, sur tous les êtres que j’ai aperçu, croisé, ceux qui m’ont entouré, m’ont élevé, avec lesquels j’ai vécu, je suis bien obligé d’admettre que, même des plus proches, je ne connais de leur vie que des miettes et que, pour l’essentiel, ils m’ont échappé et continuent à la faire. Et, pour certains, pour ceux qui sont partis ou morts, cette perte est irrémédiable…
Mais que savent les autres sur moi ? Que savait de moi ma mère, mon père, ma grand-mère, mon grand-père, mes oncles ? Tous ceux qui se sont longuement occupés de moi mais auxquels, cependant, je n’ai jamais cessé d’échapper ?
Toute vie est solipsiste : même s’il pense qu’il en est autrement, chacun de nous ne vit que par (et parfois pour…) lui-même, le temps de chacun ne se partage pas et les mots sont impuissants à rendre la complexité, la multiplicité, les bifurcations d’une vie. Et ce d’autant que chacun de nous, comme le dit Rimbaud, est un autre, plus exactement même une multiplicité d’autres. Je peux être un individu charmant, enjôleur, gentil, apprécié de tous et, la minute d’après un affreux égoïste seulement préoccupé par la satisfaction immédiate d’un besoin, quel qu’il soit… Je n’ai pas vécu une vie, mais une infinité de vies, je pense et je ne pense pas, j’aime et je n’aime pas, je joue et je ne joue pas. Sans cesse l’existence m’offre des bifurcations que j’emprunte ou non, des voies ouvertes ou des voies de garage. Comme vous tous, je suis un caméléon…
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