18.Athéisme



Athée, j’ai parfois la tentation de la religion. Une religion, n’importe laquelle pour donner du sens à ma vie. Je résiste mais ce n’est pas facile, je m’accroche — je crois vous l’avoir déjà dit — à de petits rituels qui, d’une certaine façon, constituent comme une religion privée mais ne me confrontent qu’à l’absurde de l’existence. Je ne sais pas pourquoi je suis sur terre et me demande sans cesse à quoi ma présence est utile. A quoi elle m’est utile ? Bien sûr il y a un certain plaisir à vivre, à sentir battre mon cœur, mes muscles fonctionner, ma tête agiter un bouillonnement d’idées mais cette vie que j’éprouve au plus profond de moi-même, ne me satisfait jamais totalement car si elle répond à la question du comment, elle ne répond jamais à celle du pourquoi. J’ai besoin d’une finalité… La prolongation de l’espèce ? Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne réponse car la terre, qui n’a pas besoin de nous, se porterait sans doute mieux sans les prédateurs que nous sommes. Ne parlons pas de l’Univers qui dans sa splendide indifférence ne se soucie en rien de notre présence.
J’ai des enfants, quelques petits enfants. Je sais qu’il leur arrivera, après ma mort, de penser à moi deux ou trois fois par mois mais ce souvenir s’éteindra bien vite et, comme des milliards d’êtres humains avant moi, tout ce qu’aura représenté l’énergie que je produis à exister disparaîtra définitivement emportée dans le renouvellement permanent des matières. J’aurais été et personne n’en saura plus rien. J’aurais été pour rien puisqu’il n’y a pas de but.
Du coup je me réfugie dans l’absurde, me donne des tâches — comme celle de m’astreindre à écrire ce blog — dont je sais pertinemment qu’elles n’importent à personne, que je les poursuis dans la solitude et le désert, mais qui me donnent une colonne vertébrale intellectuelle. Comme un travail quelconque — nettoyer les égouts, conduire un train, écrire des lettres administratives… — qui n’ont de sens que par leur contrainte, ces obligations que je me fixe n’ont de sens que dans la contrainte de leur durée. Au fond, les accomplir me permet, un temps de ne penser à rien, d’essayer simplement d’être : faire deux kilomètres à la nage ou courir un marathon. Pas d’autre but que le but lui-même, pas d’insertion métaphysique dans le pur exercice du corps.
J’évite ainsi de chercher un Dieu.

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