13.L’actualité



Lorsque j’ai décidé de tenir ce journal, je m’étais promis de tenir compte de l’actualité, mais l’actualité n’est pas intéressante parce que la réalité n’a pas comme mission d’être intéressante. La réalité est la réalité est la réalité est… Je parodie bien sûr Gertrude Stein mais sa formule a le double avantage d’être forte et transposable à la majorité du vocabulaire d’une langue, ce qui en fait une des plus génératives que je connaisse…
L’actualité est déprimante. Cette affirmation n’est pas originale et c’est cette absence d’originalité qui en fait la force : nous sommes si nombreux à l’affirmer que cette affirmation ne peut être que la traduction d’un sentiment général. Pourquoi des manifestations étudiantes sont-elles déprimantes ? Parce que se répétant à intervalles proches et réguliers, avec les mêmes conséquences, leur nécessité ne fait que traduire que la société où nous vivons est incapable de se construire dans un dialogue permanent, seule condition pour qu’une société s’adapte dans l’harmonie. Il y a une telle incompréhension, une telle absence de recherche de compréhension chez les uns et les autres que rien ne semble pouvoir bouger. Je ne renvoie pas les protagonistes dos à dos : certains gouvernent, d’autres sont gouvernés et les responsabilités sont claires. Je dis simplement que tant que chacun se campe sur ces positions respectives rien ne peut avancer. Pour moi, gouverner c’est comprendre et écouter ; être gouverné, alors, devient accepter d’échanger… Nous en sommes loin. Il s’agit bien plutôt, dans la plupart des cas de montrer ses muscles — d’exhiber ses couilles, la formule vaut aussi hélas pour les femmes qui gouvernent d’autant que, de plus en plus les « femmes d’action » veulent, sur ce terrain particulier montrer qu’elles sont des hommes comme les autres alors qu’il serait peut-être plus intéressant de démontrer le reste : les hommes sont des femmes comme les autres ; adopter la position du plus faible pour construire un modus vivendi…
Il me semble — mais j’aimerais tant me tromper — que le monde (disons la civilisation mondiale même si la formule est théâtrale) n’évolue pas. Bien sûr, le progrès technologique est incontestable, bien sûr l’espérance de vie augmente et nous nous éloignons peu à peu des assujettissements primaire de l’animalité, mais l’entendement (l’entente, l’écoute, la compréhension…) humain est toujours aussi pauvre et rare : tout pour soi — ou pour son groupe, ce qui revient collectivement au même— et le moins possible pour les autres. Cela va de l’eau au paradis en passant par tout le reste.
Que de banalités n’est-ce pas ? Et c’est bien ce qui m’inquiète et m’a interdit de parler plus souvent de l’actualité : l’immobilisme général conduit à ne proférer que des banalités ou alors à se contenter de seulement rapporter ce qui est. L’écrit est une fuite : il permet de construire une réalité en partie rationnelle et de faire comme si cette rationalité recouvrait en partie le réel. La tentation Soljenitsine…

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